Valérie Cueff - Gauchard

Valérie Cueff - Gauchard

La symbiose complexe de la crevette hydrothermale Rimicaris exoculata : du descriptif au fonctionnel grâce au développement technologique d’un nouvel outil de prélèvement.

ou

L’utilisation de différentes approches méthodologiques pour comprendre comment la crevette vit au fond avec ses symbiontes.

La crevette Rimicaris exoculata est une crevette qui vit dans les sources chaudes des grands fonds. Cette crevette a la particularité d’avoir une grosse tête déformée qui contient son garde-manger, c’est-à-dire des bactéries qui vont aller se nourrir des éléments chimiques qui émanent des sources chaudes. Au cours de sa thèse, Valérie s’est intéressée d’une part aux acteurs de la symbiose. En période de reproduction, cette espèce présente une ségrégation spatiale particulière avec les femelles qui se trouvent dans les agrégats denses près des fluides chauds alors que les mâles se retrouvent dispersés à la périphérie des sites, plus éloignés des fluides. Elle a donc comparé les communautés symbiotiques chez les mâles et les femelles.

Et d’autre part Valérie s’est intéressée aux ARN messagers de ces symbiontes, qui sont des molécules qui transportent l'information génétique d'un gène, situé dans l'ADN, vers les machines cellulaires qui fabriquent les protéines nécessaires au fonctionnement des cellules. Mais ces molécules ont une très courte durée de vie de quelques minutes. Or, entre le moment où les crevettes sont prélevées au fond, et le moment où elles sont récupérées sur le bateau, il se passe au moins 3 heures. Donc une grande partie de l’information de ce qui est actif au fond est perdue. Pour pouvoir conserver cette information, Valérie a mené le développement d’un nouvel outil technologique qui permet d’aller prélever des animaux mobiles comme les crevettes, puis d’injecter un fixateur chimique qui va préserver les molécules dans l’état où elles sont au moment du prélèvement. Grâce à cet outil, le signal présent au fond est préservé jusqu’à la récupération des crevettes à bord du navire.

Pourquoi ce sujet ? 

Cela fait 20 ans que Valérie travaille sur cette petite crevette. Les technologies pour les études génétiques ont beaucoup évolué au cours des dernières années, et les coûts associés ont largement diminué, rendant accessibles des études qui ne l’étaient pas avant. Aujourd’hui on connaît bien les acteurs de la symbiose chez cette crevette mais de nombreuses questions subsistent sur leur fonctionnement ensemble, et notamment le fonctionnement in-situ en fonction des conditions géochimiques fluctuantes. Donc elle s’est attelée à mieux comprendre le fonctionnement de la symbiose chez cette crevette.

Une anecdote drôle en rapport avec le sujet : 

Pour que la préservation des molécules soit efficace avec le nouvel outil FISH développé au cours de la thèse, il faut respecter un ratio de 10 volumes de fixateur pour 1 volume de chair animale. Lors des premières mises en œuvre de l’outil FISH au fond, quand Valérie n’était pas scientifique embarquée dans le sous-marin Nautile, un des pilotes était tout fier de lui avoir prélevé plein de crevettes dans le bol de FISH « c’est bon, tu as eu ce qu’il fallait ? ». Sauf que pour assurer une bonne fixation, il fallait veiller à ne pas dépasser une vingtaine de crevettes et que là, il y en avait quasiment 200 dans le bol. Donc Valérie avait été servie au niveau de la quantité, c’est sûr, mais pour elle, c’est la qualité qui compte ! Hélas, la fixation n’était pas suffisante. Elle a donc demandé ensuite aux pilotes de les compter au fur et à mesure qu’ils les aspirent, ce qui les a fait rire car c’est techniquement très compliqué au vu de la densité des agrégats, avec un bol opaque qui plus est. Imaginez planter un embout étroit d’aspirateur dans un essaim d’abeilles mais n’en aspirer que 20 au maximum, pas facile…