Eva Pouder
Eva PouderMICROFER : étude des communautés microbiennes impliquées dans le cycle du fer en environnement hydrothermal marin profond. Aspects écologiques, physiologiques, métaboliques et génomiques. Ou Comment les bactéries des grands fonds marins utilisent le fer pour produire de l’énergie. |
Le fer est un élément très important pour toutes les formes de vie. C’est également une source d’énergie pour les bactéries, on dit qu’elles « respirent le fer », un peu comme nous avec l’oxygène. Le fer est 4ème élément le plus abondant de notre planète. On retrouve le fer dans l’océan en quantités assez faibles de manière générale. Cependant, il y a des zones où on le retrouve de manière plus importante notamment au niveau des sources hydrothermales. Les sources hydrothermales sont de grosses cheminées sous-marines. Elles expulsent de l’eau chaude (les fluides), pouvant atteindre des températures extrêmes (jusqu’à 400°C). Cette eau vient de la circulation de l’eau de mer dans la croûte océanique au fond des océans. À mesure qu'elle s’infiltre dans les profondeurs, l’eau va se réchauffer, réagir avec les roches de la croute océanique et échanger des éléments avec elles. Cela va changer sa composition chimique. Lorsque cette l’eau sera très chaude et sous forte pression elle va remonter et être éjectée sur les fonds marins sous forme de fluide hydrothermal au niveau des cheminées. Selon leurs compositions, les fluides peuvent être noirs, blancs ou plus transparents (là, on parle de moirage).
Cette eau, chargée en métaux, et particulièrement en fer, constitue un élément important pour la structuration des communautés bactériennes. En l’absence de lumière, la vie au niveau de ces sources hydrothermales repose sur l’énergie chimique et non lumineuse. Les bactéries sont capables d’utiliser les ressources chimiques des fluides hydrothermaux pour produire d’autres molécules (ex : sucre, acides organiques, etc.). Ces molécules serviront au métabolisme d’autres bactéries et à des organismes de taille plus importante. Du fait de l’abondance du fer dans ces écosystèmes, et de son importance pour les métabolismes des bactéries, le fer est un élément clé des systèmes hydrothermaux. Cependant, aujourd’hui, on ne connaît pas bien ces métabolismes du fer encore moins dans les grands fonds marins. De plus, l’exploitation minière qui est envisagée par les gouvernements pour extraire les minéraux de ces écosystèmes pour répondre aux besoins en matière première minérale, pourrait sérieusement les endommager. Eva cherche à savoir comment le cycle du fer est affecté par les bactéries. Elle veut aussi connaitre son évolution, son devenir dans ces environnements-là pour voir comment il pourrait être redistribué dans l’océan.
Pourquoi ce sujet ?
Lors de son master Eva, découvre les environnements marins profonds qui l’ont beaucoup intéressée, car ce sont des formes de vie vraiment atypiques et extrêmes. D’ailleurs, au départ, elle s’était orientée vers la microbiologie, car elle trouvait les capacités des microorganismes, « leurs pouvoir », fascinants. Ce sujet de recherche lui permettait de combiner les deux avec deux approches qui sont complémentaires :
- Une approche où elle va travailler au laboratoire à faire des milieux de cultures, pour essayer d’isoler des bactéries pour pouvoir les étudier de façon plus précise afin de comprendre la diversité des microorganismes qui peuvent être impliqués dans le cycle du fer.
- Une autre approche complémentaire par bio-informatique. Cette approche se base sur l’ADN des microorganismes. Elle peut soit cibler un seul gène dans l’ensemble des gènes de la bactérie qui agira comme un code-barre. Il suffit de le scanner pour identifier la bactérie (metabarcoding). Elle peut aussi cibler tous les gènes des bactéries (le génome) qui permettent d’évaluer le potentiel génétique. Cela permet de voir si les bactéries dans des échantillons ont les gènes nécessaires pour réaliser les métabolismes du fer (métagénomique).
Une anecdote drôle en rapport avec le sujet :
Pendant le stage de Master 2 de Ludivine Michaudet, elles ont réalisé des cultures d’enrichissement pour isoler les bactéries qui pouvaient utiliser le fer. Elles ont réussi à isoler une bactérie de genre Vibrio. Avant que Ludivine n’arrive en stage, Eva avait déjà réussi à isoler la même souche. Cette bactérie est dite hétérotrophe, c’est-à-dire qu’elle utilise de la matière organique, mais il n’était pas connu que cette bactérie puisse se développer sans. Cela leur a paru absurde sur le coup et tout le monde en a ri. Aujourd’hui elles sont en train d’écrire le premier article à ce sujet.