WP2 Exploration description écosystèmes associés aux dépôts de sulfures massifs inactifs et actifs
Pourtant la majorité des dépôts sulfurés des océans sont « inactifs » et en apparence bien moins colonisés par des organismes vivant que ce que renvoie cette « image d’Epinal ».
Figure 1 Photos de sites du district de TAG présentant différents degrés d’activités. A : Gauche, site actif de TAG présentant les essaims de crevettes (taches blanches) et les fumeurs noirs à 365°C. B : Droite zone apparemment inactive du mont Abyss
Quels sont les degrés d’activités d'un mont sulfuré ?
Le district de TAG, représenté ci-dessous est une zone de près de 10 km2 situé sur la ride medio Atlantique, est composé d’une vingtaine de monts hydrothermaux présentant un large spectre de niveaux d’activités. L’activité la plus importante s’établit sur le sommet du mont actif « Active Mound ». Cette activité est caractérisée par une biomasse importante de microorganismes et crevettes alimentée par une forte activité hydrothermale (Fig. 1A) qui se traduit par des fumeurs noirs émettant des fluides à plus de 365°C.
En effet, les écosystèmes hydrothermaux marins profonds actifs dépendent de sources d’énergie minérales et réduites qui alimentent des communautés microbiennes capables de se développer dans l’obscurité (chimiosynthèse) et qui alimentent les échelons trophiques supérieurs (meiofaune et macrofaune).
Localisation du district de TAG sur la dorsale nord-Atlantique. Les autres points correspondent aux autres sites hydrothermaux connus
Toutefois la morphologie de ce dépôt et les mesures d’âges réalisées sur les minéralisations sulfurés indiquent qu’« Active Mound » a probablement connu des périodes plus ou moins longues d’activité et d’inactivité durant près de 50 000 ans. Ainsi, la notion d’inactivité semble être relative et, un peu comme pour les volcans, certains de ces monts sulfurés dits « inactifs » pourraient n’être qu’« en sommeil » alors que d’autres seraient totalement éteints. De plus, au vu des volumes représentés par ces habitats, ils pourraient également habiter une importante biomasse microbienne. Le WP2 a ainsi pour objectif d’identifier des paramètres géologiques, géochimiques et biologiques qui permettent de caractériser les degrés d’activités d’un mont sulfurés et de le dater.
Quels sont les paramètres qui permettent de caractériser l’activité d’un mont sulfurés ?
Plusieurs indices géologiques permettent de reconnaître un mont sulfuré en « sommeil » d’un mont fossile et de le dater (datation relative ou absolue). Les premiers critères à prendre en considération sont la morphologie du site (obtenue par cartographie), la nature des roches (observation directe), la circulation de fluide hydrothermal et la présence d’une couverture de sédiments pélagique. Enfin, il est aussi possible de prélever des échantillons sur le fond et de réaliser des mesures d’âge par des méthodes isotopiques (géochronologie). Par exemple, les sites « Shinkai » et « Rona » (district de TAG ; Fig ci-dessous) montrent des morphologies, des roches et des couvertures sédimentaires bien distinctes. Bien que tous deux à priori inactifs, il apparait que le site Shinkai a connu une activité hydrothermale plus récente que le mont Rona et que celle-ci pourrait se réactiver.
Gauche A. Vue 3D du dépôt sulfuré «Shinkai». Ce site est marqué par des pentes très fortes et présente encore des cheminées érigées au sommet. Aucune activité de haute température n’est visible mais celle-ci a dû s’arrêter récemment. Droite B. Vue 3D du dépôt sulfuré «Rona». Ce site est marqué par des pentes relativement faibles et ne présente pas de cheminée encore en place. Il est recouvert par une épaisse couverture sédimentaire. L’activité hydrothermale de haute température est certainement éteinte depuis très longtemps.
La définition de l’activité hydrothermale ne se limite pas aux critères géologiques, l’activité et la diversité biologique est ainsi un témoin indirect des caractéristiques minéralogiques et géochimiques propres à ces sites très contrastés. Encore peu explorées, la diversité, l’abondance et l’activité métabolique des microorganismes associées aux sites hydrothermaux ne présentant plus d’émissions de fluides pourraient être similaires à celle des sites actifs (Fig. 4A). Afin de décrire le fonctionnement de ces écosystèmes, il est ainsi nécessaire de caractériser ces paramètres. D’autant plus que comme pour les sites actifs, les microorganismes sont des acteurs centraux de la chaine trophique des sites inactifs. De plus, en interaction étroite avec les microorganismes, la biomineralization réalisée par les communautés de foraminifères benthiques « emprisonnent » des éléments de leur enivrement dans leurs coquilles calcaires et ainsi représentent des témoins permettant de dater l’enregistrement de l’activité hydrothermale dans le temps ((Fig. 4B). La définition de l’activité hydrothermale est donc également liée à l’activité biologique qui caractérise les sédiments d’un site et qui peut être largement influencée par l’hydrothermalisme longtemps après la fin des émissions de fluides.
Gauche A. Mesure de l’activité métabolique des microorganismes sur le Mont Abyss. Droite B Images au microscope électronique à balayage des espèces de foraminifères benthiques autour des cheminées du site hydrothermal de Lucky Strike (marge médio Atlantique)